Notre association a réalisé un sondage auprès de ses adhérents..
Les réactions face à l’annonce de la maladie peuvent se classer en trois catégories assez nettement délimitées:
- Un premier groupe d’enquêtés a fait preuve de sérénité et a reçu l’information sur son état de santé sans grande émotion
- Un deuxième était désarçonné par cette information et ne comprenait pas ce qui lui arrivait.
- Le troisième, enfin, a pris la nouvelle comme un choc majeur qui bouleversait sa vie.
Dans tous les cas, il s’agit de réactions immédiates lors de la (ou des) consultation(s) où la myélodysplasie a été diagnostiquée, en général par un hématologue, le plus souvent à l’hôpital. Voyons un peu plus en détail.
Pour l’un de ceux qui ont fait preuve de sérénité, c’était une visite comme une autre, sans plus. Il est vrai que la consultation a duré seulement cinq minutes et que le professeur a utilisé des termes barbares. Si bien que le patient a éprouvé peu d’inquiétude, faute d’information.
Pour un autre, au contraire, les informations étaient abondantes, mais il n’y avait pas trop de mots techniques. C’était tellement bien expliqué qu’il n’était pas trop abattu.
Pour un troisième, le diagnostic a été posé par le médecin traitant, un homme pondéré qui n’a pas voulu l’inquiéter, sans lui cacher pour autant la vérité. Le patient était quelque peu incrédule, car il était en pleine forme, mais surtout il est assez fataliste, car à son âge, il considère qu’il a quand même fait pas mal de chemin.
L’impression de sérénité qui se dégage de ces récits nait de circonstances variées, parfois même diamétralement opposées : une consultation rapide, un vocabulaire difficile à comprendre, ou au contraire des explications abondantes et simples. Dans certains cas, des traitements ont été proposés ; dans d’autres, le médecin a dit qu’il n’y en avait pas.
Des contextes variés donc. Mais on notera qu’il s’agit de trois hommes et qu’ils ont « un certain âge », comme c’est souvent le cas dans notre maladie. Ils sont retraités, de professions très diverses.
D’autres patients ont reçu l’information sur leur maladie sans comprendre, disent-ils, ce qui leur était annoncé et ce qui leur arrivait. A une des enquêtés, le médecin a dit que c’est une maladie de personne âgée, alors qu’elle est encore jeune. Dès lors, un brouillard semble être tombé sur elle et l’avoir laissée sans réaction. Elle a trouvé les termes barbares, techniques. Les mots étaient inconnus. Elle n’y comprenait rien. Elle ne voyait pas le rapport avec son état de santé.
Dans des situations voisines, d’autres patients ont invoqué leur désir de ne pas en entendre trop sur leur maladie, au moins au moment où l’annonce leur était faite. Ils disent ne pas avoir eu de détails, ne pas avoir demandé clairement ce qu’ils avaient, s’être contentés de ce qu’on leur a dit, ne pas avoir été très curieux. Ils ne voulaient pas trop en savoir.
On a l’impression que les consultations d’annonce ont donné peu d’informations sur la maladie, les traitements, le pronostic, mais il est difficile de savoir si c’est le reflet d’une réalité ou le souvenir flou qu’en gardent les patients, dans le halo qui semble avoir entouré ce moment. De même pour l’attitude du médecin, qu’on ne peut guère percevoir. Les mots étaient difficiles, mais y avait-il de la chaleur ou de la froideur ? La consultation prenait-elle son temps ou était-elle rapide et hâtive ?
Parmi ces patients, il y des hommes et des femmes, des âges avancés et d’autres qui le sont beaucoup moins, on l’a vu. En bref, une variété de profils, qui contraste avec le groupe précédent (hommes âgés) et, on le verra, avec le groupe suivant, composé de jeunes femmes, en pleine activité professionnelle, dont les enfants sont encore adolescents.
Dans cette troisième catégorie, les patients ont reçu l’annonce de leur myélodysplasie comme un coup de poing. Pas l’annonce de leur maladie, mais celle de leur mort. Les mots pour le dire ont la même violence que les sentiments qui s’expriment. Un choc, la peur de ne pas vivre assez longtemps. Un grand coup sur la tête, l’annonce de la mort.
Qu’on est loin de la sérénité affichée par les patients du premier groupe. Mais loin aussi du brouillard qui estompe les souvenirs de ceux du deuxième. Ici les angles sont aigus, coupants, de ceux qui provoquent une blessure profonde. On ne sait pas ce qui a été dit à l’une des patientes, mais pour l’autre la consultation a été longue, le médecin a répondu a toutes ses questions. L’explication de toute la pathologie était très technique. Il semble n’avoir été proposé aucun autre traitement que la greffe. C’étaient des paroles violentes, d’une incroyable froideur. On est loin, là aussi, du patient qui se réjouit qu’on lui ait si bien expliqué sa maladie. Mais des termes barbares, difficiles à saisir, ont aussi été invoqués ailleurs par des patients que leur annonce a laissés indifférents ou perplexes.
Que peut-on mettre en face de cette diversité de réactions, qui aide à la comprendre, voire à l’expliquer ? Y a-t-il des bonnes et des mauvaises façons d’annoncer notre maladie ?
Il est évidemment trop tôt pour le dire et c’est pour cela que l’enquête en cours est importante. C’est pour cela que nous avons besoin de vos réponses. Pour le moment on peut seulement esquisser des pistes de réflexion.
Les conditions et le contenu de l’annonce jouent-ils un rôle ? Est-il important que le médecin ait le temps d’expliquer ce qu’est la myélodysplasie, quels sont les traitements possibles, comment la santé du patient pourrait évoluer à l’avenir ? Oui certes, évidemment, et on pense au cas de ce patient à qui tout était si bien expliqué qu’il n’a pas été trop abattu. Mais comment oublier le cas de ce médecin qui a pris soin de répondre à toutes les questions de sa patiente mais qui a laissé celle-ci sous le choc ? Et comment prendre en compte le désir de certains de ne pas en savoir trop, même s’il doit en résulter un sentiment d’incompréhension ?
Peut-être faut-il invoquer des facteurs plus basiques. On a opposé la sérénité des hommes d’un certain âge au choc subi par des jeunes femmes. On peut peut-être y voir un effet du genre (hommes-femmes) et de l’âge (jeunes-âgés). C’est une constante des enquêtes sur la santé que les femmes ressentent plus négativement leurs maladies ou leurs handicaps que les hommes, bien qu’elles aient de fait une espérance de vie plus favorable qu’eux. On imagine également que l’enjeu de la maladie est plus lourd pour des personnes jeunes, avec charge de famille, que pour celles qui ont déjà « fait leur vie ».
Enfin la personnalité des uns et des autres a surement un rôle essentiel. L’un invoque son fatalisme, d’autres leur volonté de « garder la tête dans le sable ». La palette va bien au-delà de ces deux exemples, elle est évidemment très large. Mais de quelle personnalité parle-t-on ? Celle du patient bien sûr, mais aussi celle du médecin. Et plus largement c’est la qualité de la relation malade-médecin qui est en cause.
Car, au-delà du temps de l’annonce, notre souci est que s’établissent dans les meilleures conditions les relations entre patients et soignants tout au long du développement de notre maladie. L’enquête en cours devrait aider à faire avancer la réflexion dans ce sens.
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